c'est pourtant écrit noir sur blanc.

 

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c'est décidément trois fois trop.

   Ça suffit. Elle en a sa claque. Elle a rien fait. Mo et Joachim non plus. Ils avaient rien à foutre dans un fourgon de police. Ils avait 13 ans. Leurs parents avaient pas assez chacun de leurs côtés pour faire un enterrement convenable à leurs enfants. 

 

    Jilian les connaissait à peine. C'étaient deux autres gamins du quartier, un peu bruyants et casse-tout, mais pas méchants. Ils bouffaient les barres de céréales des distributeurs à moitié déglingués du square et beuglaient sur les autres garçons de temps en temps, et se sont fait prendre une fois, peut-être trois, avec des pièces piquées aux machines que plus personne ne vérifient plus de toute manière, mais c'est tout.

 

    Ils avaient rien à voir avec un foutu cartel de drogue à la con, ils jouaient dans le coin, c'est tout, et le grand frère de Mo s'était engagé dans une voie dont il avait pas vu à quelle point elle était dangereuse, et il a 15 ans. C'est tout.

 

    Ils avaient rien à foutre dans ce foutu fourgon. Et ils ont rien à faire dans le cimetière.

 

    C'est décidé. Dans trois ans, elle se casse d'ici, elle pense, les yeux en larmes et les joues qui piquent, les phalanges ensanglantées, assise dans une chaise en plastique froide dans le bureau de police, et elle reviendra, et elle fera tout péter, et elle mettra le feu, si il faut.

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il faudrait que ça commence à chauffer.

    Jilian s’est levée il y a trois heures, péniblement, et a fixé le toaster pendant la plupart de ce temps, immobile. A la radio, allumée avec le fichu toaster, on passe des airs de pop rock des années 1990 à 2000, et elle fredonne un peu faux, en même temps qu’elle fait ses tartines. Beurre et confitures de cerises et de dattes, comme tous les mercredis. Elle prend une petite plombe à se décider entre thé à la menthe et citronnade, et opte pour mélanger les deux, au pif-o-mètre. Elle hésite à croquer sa première bouchée, son incisive la lancine depuis 01:00 du matin, cette petite saloperie l’a même réveillé. Mais il n’y a pas grand chose à faire, c’est pas réparable, on lui a dit, pas avec son smic hasardeux, et puis de toute manière elle a faim, alors elle mord, la dent lance une pique de douleur puis ça finit par moins se sentir, à force, alors elle mâche, et ça vaut le coup, l’arôme sucré de fruit lui gigote les papilles et réveille ses zygomatiques, un peu h.-s. dernièrement. Tout ça, elle le fait le cul sur le plan de travail en faux marbre, et c’est froid, avec son survêt’ cheapos comme seule protection, mais elle se sent pas de se lever aller chercher ses plaids ou de s’asseoir sur la chaise haute, et c’est pas grave, le chauffage s’allume peu à peu, ça va venir, et il lui -urg- reste plus que trois tartines à manger, de toute façon. Alors elle mâche.

 

    La radio continue de grésiller entre deux stations, et laisse entendre des bribes de reportages sur des arrestations de délinquants dans les cités, de la montée de la criminalité juvénile, bla bla bla, elle connaît, tout ça. Ça tourne en boucles toutes les trois semaines, depuis qu'elle est gamine, et ça veut toujours  autant effrayer les bourgeois blancs des centre-villes. Là maintenant tout de suite, ça lui rappelle juste qu'elle a du boulot. Alors elle se presse d'avaler son déjeuner, et transfère son derrière au canapé un peu décrépi près du chauffage, au centre de la pièce, et elle se remet dans cette position qui va lui péter le dos à 30 ans, penchée sur son ordi et ses fiches. Son boulot, c'est en grande partie ça. Lire des rapports de police interminables, des témoignages griffonnés par ses soins, et des lettres de diverses personnes inquiètes. Elle se consacre à ça, pour classer le tout au cas par cas, pendant une petite heure, puis elle se lève, et va vers sa salle de bain. C'est plus une salle d'eau, en fait, avec une baignoire improvisée, et un lavabo visiblement acheté pour remplacer l'ancien, qui avait apparemment voulu achever sa carrière en temps que fontaine intempestive, qui clash franchement avec l'aspect années 30 du reste. Le miroir est bancal, mais tient, et c'est tout ce qu'elle demande, alors qu'elle commence sa toilette.

 

    Pas très envie de prendre trois plombes, du coup elle se passe l'eau sur le visage vite fait, frotte fort avec sa serviette, dégage le mascara de la veille qui s'accroche à ses cils déjà bien fournis, et passe un coup de peigne hasardeux dans ses cheveux d'ébène tout frisé. Pas envie d'une coiffure particulière aujourd'hui, donc elle laisse les barrettes à nœuds dans leur coffret, et commence à étaler de la crème sur sa peau noire sèche, jusqu'à qu'elle reluise comme de l'onyx poli. Satisfaite et rafraîchie, elle ajoute juste une touche de gloss goût framboise à ses lèvres, et elle se dirige dans son coin chambre, délimité par des rideaux épais et colorés. Elle enfile un de ses pulls, tous doux, mais celui-ci particulièrement doudou, et puis ses mitaines aussi, parce que la saison froide se fait sentir, et met un collant noir sous son pantalon propre de survêt', et choppe ses chaussettes hautes pour bien compléter cet ensemble anti-froid parfait.

 

    Elle se dépêche de retourner à sa table basse où son fatras organisé l'attend, et recommence à lire, et prend des petites notes sur le côté, pour savoir où se rendre, à qui parler, qui il faut frapper. Il lui faut profiter de ce soudain boost d'énergie et de concentration, car elle sait qu'il ne va pas durer, -ah, si elle avait les fichues pilules, mais elles coûtent un bras, et la thérapie pour avoir le diagnostic officiel qui les rendent remboursables aussi- et elle pianote fiévreusement devant son écran, en hyper-focus évident. Elle a trouvé des pistes, il y a trois mois de cela, mais elles s'étaient refroidies, jusqu'à aujourd'hui, on dirait ! Les flics ont trouvé de nouvelles preuves et s'en sont pris à des gosses pas bien entouré.e.s, une nouvelle fois. Elle sait à qui rendre visite, ce soir.    

 

    Si seulement sa combinaison voulait bien se dépêcher de sécher. Elle a bien re-ciré et recloué ses rangers, et retapé son masque, mais le kevlar prend décidément vraiment mal les solutions alcoolisées... Et elle a aucune envie d'empester le formol dans la rue quand elle prendra son salaud en filature, quoi ! 

 

    Elle avait bien eu l'idée du sèche-cheveux, agacée à trois heure du mat', mais ça ne s'est pas montré très... concluant. hm.

       

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